མཐོང་ལམ་གྱི་ཡེ་ཤེས་སྐད་ཅིག་བཅུ་དྲུག
Les seize fractions de sublime sagesse du chemin de la vision, les seize instants de sublime sagesse du chemin de la vision
Tant l’Abhidharmakośa མངོན་པ་མཛོད། de Vasubandhu དབྱིག་གཉེན། que l’Abhidharmasamuccaya མངོན་པ་ཀུན་བཏུས། d’Asaṅga ཐོགས་མེད། admettent que ces seize fractions de sublime sagesse sont composées des huit acceptations, ou patiences, མཐོང་ལམ་གྱི་བཟོད་པ་བརྒྱད། et des huit perceptions, ou connaissances, མཐོང་ལམ་གྱི་ཤེས་པ་བརྒྱད། du chemin de la vision མཐོང་ལམ།.
Les acceptations constituent huit aspects du sentier ininterrompu du chemin de la vision མཐོང་ལམ་བར་ཆད་མེད་ལམ། : elles sont autant de claires réalisations མངོན་རྟོགས། de la réalité qui servent d’antidotes au voile acquis des facteurs perturbateurs de l’esprit ཉོན་སྒྲིབ་ཀུན་བཏགས། ; tandis que les perceptions constituent huit aspects du sentier libéré du chemin de la vision མཐོང་ལམ་རྣམ་གྲོལ་ལམ། : elles sont chacune des claires réalisations de la réalité accompagnées d’un abandon du voile acquis des facteurs perturbateurs de l’esprit. En d’autres termes, il est dit qu’un sentier ininterrompu est semblable à expulser un voleur, et qu’un sentier libéré est comparable à fermer la porte à double tour : les huit acceptations rejettent les différents aspects du voile acquis des facteurs, les huit perceptions confortent ces réalisations.
L’Abhidharmakośa et l’Abhidharmasamuccaya s’accordent également sur le fait que chacune est répartie en deux groupes : d’une part, les quatre acceptations et perceptions de la nature ultime ; et d’autre part, les quatre acceptations et perceptions consécutives de cette nature ultime.
Cependant, ils apportent trois explications distinctes à propos de leur séquentialité, de leur nature et de leurs objets.
D’après l’Abhidharmakośa, il s’agit de seize instants successifs. Ainsi le terme tibétain « ke cik » སྐད་ཅིག est à prendre au sens littéral, et ces seize fractions constituent seize instants de sublime sagesse. Quant à leur enchaînement, un instant d’acceptation de la nature ultime est immédiatement suivi d’un instant de perception de la nature ultime, auquel succède un instant d’acceptation consécutif puis un instant de perception consécutif. Les quatre acceptations et perceptions de la nature ultime portent tour à tour sur le non-soi des quatre nobles vérités appliquées au monde du désir ; les quatre acceptations et perceptions consécutives portent de même sur le non-soi des quatre nobles vérités relatives aux mondes supérieurs. Les quinze premiers instants relèvent des pratiquants entrés dans le courant novices རྒྱུན་ཞུགས་ཞུགས་པ།. Le dernier correspond aux pratiquants entrés dans le courant confirmés རྒྱུན་ཞུགས་འབྲས་གནས། et relève, en réalité, du chemin de la méditation སྒོམ་ལམ།. Ainsi, selon l’Abhidharmakośa, le chemin de la vision ne dure que l’espace de ces instants, à l’issue desquels le pratiquant entre immédiatement sur le chemin de la méditation. Plus précisément, celui-ci débute avec le dernier instant même : la perception consécutive de la nature ultime du chemin.
Selon l’Abhidharmasamuccaya cependant, le chemin de la vision ne se résume pas à ces seize fractions de sublime sagesse. Celles-ci constituent plutôt une réalisation initiale, qu’il s’agit d’approfondir afin qu’elle atteigne une intensité suffisante pour servir d’antidotes aux différents degrés de subtilités des facteurs perturbateurs abandonnés lors du chemin de la méditation. Il existe deux interprétations de l’Abhidharmasamuccaya quant à ces seize fractions de sublime sagesse elles-mêmes.
D’après une lecture littérale, elles ne constituent pas seize mais quatre instants : le premier est composé des quatre acceptations de la nature ultime ; le second, des quatre acceptations consécutives ; le troisième, des quatre perceptions de la nature ultime ; et le quatrième, des quatre perceptions consécutives. Il n’est donc plus possible de parler de seize « instants » de sublime sagesse, et le terme de « fraction » semble plus approprié. Dans cette lecture littérale, le terme « consécutif » conserve sa signification temporelle : les deux instants correspondant aux acceptations et aux perceptions consécutives succèdent à ceux des acceptations et des perceptions de la nature ultime.
Toutefois, dans une lecture de l’Abhidharmasamuccaya qui n’est plus simplement littérale, mais s’inscrit dans le cadre des écoles philosophiques supérieures telles qu’exposées notamment par l’omniscient Jamyang Shepa འཇམ་དབྱངས་བཞད་པ།, les seize fractions de sublime sagesse ne sont composées que de deux instants : le premier correspond aux huit acceptations, et le second aux huit perceptions. Ainsi les huit acceptations surviennent simultanément, de même ensuite que les huit perceptions. Le terme « consécutif » dans l’expression « acceptations consécutives » ne signifie pas qu’elles succèdent aux acceptations de la nature ultime, mais plutôt qu’elles portent au sein d’un même instant sur les acceptations de la nature ultime elles-mêmes. Autrement dit, les quatre acceptations de l’enseignement réalisent directement le non-soi des objets – chacune des quatre nobles vérités – tandis que les quatre acceptations consécutives réalisent directement le non-soi des sujets – les acceptations de la nature ultime elles-mêmes. Il en va de même, lors du deuxième instant, pour les quatre perceptions de la nature ultime et les quatre perceptions consécutives.
Pour plus de précisions, voir également syn. les seize fractions d’acceptation et de perception du chemin de la vision མཐོང་ལམ་ཤེས་བཟོད་སྐད་ཅིག་བཅུ་དྲུག