ལམ་རིམ།

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mārgakrama

Lamrim, la voie progressive, la voie graduelle, la voie progressive vers l’Eveil


Himalayan Art - Rubin Museum of Art https://www.himalayanart.org/items/556

Dagpo Rinpoche l'introduit ainsi :

« Les rencontres qu'il fit en sortant de son palais avaient profondément frappé le jeune prince Siddhārtha, le futur Buddha Śākyamuni ཤཱཀྱ་ཐུབ་པ།. Il réalisa soudain que nous naissons, tombons malade, vieillissons et mourons, pour renaître encore et encore, seuls et depuis des temps sans commencement, au sein des différentes strates de souffrance du saṃsāra འཁོར་བ།, le cycle des existences, reprises sans liberté sous la force de nos karma ལས།, nos actes sur le plan physique, oral et mental, et des facteurs perturbateurs de l'esprit ཉོན་མོངས།.
Parmi les divers chemins exposés par le Buddha pour échapper à cette situation, le bouddhisme préservé au Tibet est de tradition mahāyāna ཐེག་པ་ཆེན་པོ།, ou « grand véhicule », c'est-à-dire qu'il met l'accent sur le développement de l'altruisme. Son enseignement se présente principalement sous la forme de la voie progressive menant à l'éveil complet d'un Buddha བྱང་ཆུབ་ལམ་གྱི་རིམ་པ།.
Cette approche a été tout particulièrement développée par Je Tsongkhapa རྗེ་ཙོང་ཁ་པ། (1357-1419), fondateur de l'école gelugpa དགེ་ལུགས་པ།. Elle s'appuie sur de très nombreux sūtra མདོ། du Buddha Śākyamuni, sur les traités et commentaires des pandits indiens composés dans les siècles suivants, ainsi que sur les instructions des maîtres tibétains kadampa བཀའ་གདམས།, héritiers spirituels du grand pandit indien Atiśa Dīpaṃkara Śrī Jñāna ཇོ་བོ་རྗེ་དཔལ་ལྡན་ཨ་ཏི་ཤ། (982-1054).
Celui-ci composa leur ouvrage de référence La Lumière de la voie vers l'Eveil ou Lamdrön བྱང་ཆུབ་ལམ་གྱི་སྒྲོན་མ།, à son arrivée au Tibet au milieu du XIe siècle, à l'intention de ses disciples tibétains. Il constitue la quintessence des enseignements du Buddha, aussi bien des tantra རྒྱུད། que des sūtra, et explicite le sens caché du Prajñāpāramitā sūtra ཤེར་ཕྱིན་གྱི་མདོ།  révélé dans l’Abhisamayālaṅkāra   མངོན་རྟོགས་རྒྱན།  : le nombre, la nature et l'ordre des étapes de la voie spirituelle à méditer.
Le Lamdrön définit également trois niveaux de pratiquants སྐྱེས་བུ་གསུམ། selon l'ampleur de leurs objectifs.
Le pratiquant de motivation inférieure སྐྱེས་བུ་ཆུང་ངུ་། désire seulement échapper aux situations les plus difficiles du saṃsāra, et n'aspire qu'à des renaissances dans de bonnes conditions. Pour cela il s'adonne notamment à l'éthique d'une stricte observance de la loi de causalité ལས་འབྲས།, en cultivant les causes de bonheur et en s'abstenant des causes de souffrance.
Le pratiquant de motivation moyenne སྐྱེས་བུ་འབྲིང་བ། poursuit la réflexion : il ne peut plus se contenter de naissances favorables, certes nécessaires mais limitées dans le temps et dépourvues de fiabilité. Mû par un intense renoncement ངེས་འབྱུང་།, il aspire à se libérer définitivement du cycle des existences, en éliminant les états d'esprit négatifs et perturbés ཉོན་མོངས། grâce au développement de trois qualités, portées à un niveau supérieur ལྷག་པའི་བསླབ་པ་གསུམ། : l'éthique ལྷག་པ་ཚུལ་ཁྲིམས་ཀྱི་བསླབ་པ། qui neutralise les perturbations au niveau grossier, la concentration ལྷག་པ་ཏིང་ངེ་འཛིན་གྱི་བསླབ་པ། qui agit sur leur niveau subtil, et la sagesse ལྷག་པ་ཤེས་རབ་ཀྱི་བསླབ་པ། percevant le non-soi བདག་མེད།, remède véritable à l'illusion qui maintient dans le saṃsāra.
Se fondant sur les compréhensions précédentes, le pratiquant de motivation supérieure སྐྱེས་བུ་ཆེན་པོ། voit beaucoup plus loin, il prend en considération les souffrances de l'infinité des êtres plongés comme lui dans l’abîme du cycle des existences. Comment alors pourrait-il continuer à ne rechercher que son propre bien ? Menée à son terme, cette analyse constitue l'essence même du mahāyāna : mû par une compassion སྙིང་རྗེ་ཆེན་པོ། incapable de tolérer plus longtemps la situation des êtres, et déterminé à les en libérer par tous les moyens, le pratiquant décide d’éliminer graduellement en lui tout défaut et de développer à l'infini toutes les qualités. Il comprend en effet que seules les facultés extraordinaires caractérisant l'Eveil complet d'un Buddha བྱང་ཆུབ། permettent d'œuvrer de manière illimitée pour les êtres, notamment en les guidant par des instructions ou en leur montrant l’exemple.
Champ d'accumulation du lamrim de la lignée du Sud - source : Institut Ganden Ling
Cette pensée d'obtenir l'Eveil afin d'être en mesure d'accomplir le bien des êtres n'est autre que l'esprit d'Eveil, bodhicitta བྱང་ཆུབ་ཀྱི་སེམས། ; d'abord produit de manière volontaire, l'esprit d'éveil finit à force d'entraînement par devenir spontané, faisant du pratiquant un bodhisattva བྱང་ཆུབ་སེམས་དཔའ།, un fils des Victorieux རྒྱལ་བའི་སྲས།. Le lamrim décrit donc l'ordre précis des qualités spirituelles à développer pour que naisse en soi l'esprit d'Eveil, porte d'entrée du mahāyāna, et à partir de là, celles à cultiver par le bodhisattva dans sa progression vers l’Eveil complet.
Outre le renoncement au saṃsāra et l'esprit d'éveil, le pratiquant doit s'appliquer également aux vues excellentes ཡང་དག་པའི་ལྟ་བ། établissant la vacuité སྟོང་པ་ཉིད།, mode d'être véritable des phénomènes. Ces trois qualités essentielles de la voie spirituelle, ou « trois principes du chemin » ལམ་གྱི་གཙོ་བོ་རྣམ་གསུམ། lui permettent de s'engager avec fruit dans la pratique des tantra རྒྱུད།, méthodes spécifiques permettant de réaliser rapidement l'état de Buddha.
A la suite de Je Tsongkhapa, les grands maîtres de la tradition gelugpa composèrent de nombreux textes exposant le lamrim, en mettant l'accent sur tel ou tel aspect de leur expérience. Huit de ces lamrim sont reconnus comme principaux, il s’agit des huit grands lamrim ལམ་རིམ་ཆེན་པོ་བརྒྱད།. De nos jours, on ajoute un neuvième lamrim : La Libération suprême entre nos mains ལམ་རིམ་རྣམ་གྲོལ་ལག་བཅངས། de Pabongkha Rimpotché ཕ་བོང་ཁ་པ་བདེ་ཆེན་སྙིང་པོ། (1878-1941). Il s'agit d'un enseignement détaillé et complet de la voie progressive donné en 1921, dont la transcription fut effectuée par son disciple Kyabje Trijang Dorjechang སྐྱབས་རྗེ་ཡོངས་འཛིན་ཁྲི་བྱང་རྡོ་རྗེ་འཆང་། et publiée en 1958 à Lhassa. »