Introduction

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Sitamañjughoṣa - The Jucker Collection - <a href="https://www.himalayanart.org/items/89127">Meet at Himalayan Art Resources </a>

« Sans un dictionnaire tibétain-français du bouddhisme, il n’est pas certain que l’enseignement du Buddha perdure longtemps en France. »

C’est par ces mots que Rinpoche me fit comprendre qu’il serait sans doute bénéfique que je participe au projet de dictionnaire qu’il avait initié depuis plusieurs années déjà. Malgré toute la bonne volonté et l’érudition de ceux qui y avaient œuvrés, cette initiative s’était heurtée à beaucoup de difficultés.

Le fait que ces paroles aient été prononcées par quelqu’un qui voue sa vie aux autres, et œuvre sans relâche au maintien du bouddhisme ainsi qu'à la préservation de la langue tibétaine, leur donna une résonnance particulière.

Rinpoche, qui a enseigné la langue et la culture tibétaines à l'Institut National des Langues et Civilisations Orientales (Inalco) de 1963 jusqu’à sa retraite en 1992, n’insiste-t-il pas encore et encore sur l’importance de connaître le tibétain pour acquérir une compréhension exacte et complète de l’enseignement du Buddha ? Ce jour-là, ce conseil ne m’avait jamais paru aussi clair.

Certes il existe de plus en plus d’excellentes traductions d’ouvrages bouddhistes fondamentaux en langue française – mais pourquoi ne pas donner quelques clés supplémentaires à ceux qui souhaiteraient accéder à la richesse de ces textes directement en langue tibétaine ? Et ne serait-il pas bénéfique également de rendre accessible à tous, étudiant le tibétain ou non, des explications claires et succinctes précisant les notions essentielles du bouddhisme à travers les textes canoniques et le précieux héritage des commentaires dispensés par Rinpoche au fil de plus de quarante ans d’enseignement ?

J’étais débutant en tibétain – et le suis toujours, mais j’étais heureux à la perspective de contribuer un peu, dans la mesure de mes capacités, à une si belle œuvre.

Dès lors, depuis cet après-midi de mai 2013, chaque jour ou presque, après être rentré du travail vers 20h ou 21h, je m’asseyais à mon bureau et essayais d’avancer un peu. Ma lampe brillait le plus souvent jusqu’à 2h, 3h voire parfois 4h du matin.

Un an auparavant, j’avais perdu mon plus proche ami, Pierre Arènes. Ce dictionnaire constituait aussi un moyen d’honorer sa mémoire, lui qui avait été pour tant de personnes un exemple de compassion et qui n’avait jamais compté son temps, son ingéniosité et son énergie pour m’enseigner la grammaire tibétaine.

Les obstacles ont continué de plus belle, et bientôt mon amie Martine Lafforgue, qui était en charge du projet, rencontra également des circonstances qui l’empêchèrent de poursuivre comme elle l’aurait souhaité. Je renforçais ma résolution de mener cette tâche à son terme, aussi longtemps que cela prenne, discrètement.

Au fil des années, j’ai reçu de l’aide de geshe du monastère de Dagpo Datsang, comme de personnes plus inattendues, qui apparurent sur mon chemin au moment opportun.

J’ai conscience du caractère encore très imparfait de ce travail, néanmoins nous essaierons de l’améliorer au fil du temps. Et j’espère du fond du cœur que par la bénédiction de Rinpoche, et de tous mes maîtres, il pourra s’avérer ne serait-ce qu’un peu utile à ceux qui souhaitent prendre la maîtrise de leur esprit et se consacrer au bien des autres.

Rinpoche lui a décerné ce nom : Les Fins Rayons du soleil du Pays des neiges.

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Les mots semblent bien dérisoires pour exprimer ma gratitude envers lui.

Pour moi Rinpoche, c’est notamment un regard. Le regard que j’ai croisé pour la première fois en janvier 1999, et celui qui accompagne chacune de nos rencontres.

Nos regards changent le plus souvent au gré des circonstances, ils expriment parfois la joie, parfois la lassitude, la préoccupation, la distraction et bien d’autres choses encore. Le regard de Rinpoche, lui, semble ne jamais changer.

Plus de vingt ans auparavant, il était exactement le même qu’aujourd’hui, et en feuilletant les pages de vieux albums photos, je me suis rendu compte, qu’il était identique déjà bien avant que je ne le connaisse. A mes yeux, il exprime une sagesse et une bonté infinies.

Je me suis souvent demandé ce que cela pourrait être de voir le monde à travers les yeux de Rinpoche… Ecrire ce dictionnaire, qui aborde tant de qualités qui émergent le long du cheminement spirituel, a été pour moi comme un moyen de commencer à le découvrir.

Ce modeste travail m’a fait voir combien l’étude est une lampe indispensable en ces temps sombres, et combien elle est l’amie de la réflexion et de la méditation.

Il m’a permis d’être plus heureux, et de clarifier le chemin à parcourir.

Aucune offrande, y compris ce dictionnaire, ne pourra jamais rendre ne serait-ce qu’une infime fraction de toute la bonté dont Rinpoche nous témoigne.

Puisse cet ouvrage permettre à tous ceux qui n’ont pas encore fait naître l’esprit d’Eveil, de l’engendrer au plus vite, et à ceux en lesquels il se serait déjà élevé, de l’épanouir toujours davantage !

Cet état d’esprit, décrit comme l’aspiration à réaliser la plénitude de l’Eveil pour le bien de tous les êtres, naît d’un amour et d’une compassion inconditionnels, si bien qu’il est considéré comme le sommet de l’altruisme. A de multiples égards, sa bienfaisance est infinie : il s’étend à l’infinité des êtres, sans en exclure un seul, et souhaite dissiper leurs souffrances infinies, pour les établir dans un bonheur infini, pour des temps infinis…

Dès lors, ne constitue-t-il pas le meilleur moyen, et peut-être même le seul, pour exprimer notre gratitude envers tous les maîtres qui, comme Rinpoche, quelques soient leurs traditions, œuvrent pour notre bien, et celui de tous les êtres ?